L’accord cadre est une technique d’achat définie au 1° de l’article L. 2125 de la commande publique. Elle permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d'une période donnée.
En l’espèce, une métropole a publié un avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution d’un accord-cadre à marchés subséquents sans montant minimum ni montant maximum pour l’aménagement audiovisuel de ses bâtiments, et selon une procédure d’appel d’offre ouvert passé en application de l’article R. 2124-2 du Code de la commande publique. La valeur totale du marché était estimée par l’acheteur à la somme de 4 500 000 euros. L’objet du marché est défini de la manière suivante, à l’article premier du règlement de la consultation : « La présente consultation concerne un accord à marchés subséquents pour l’aménagement audio-visuel des bâtiments de la Métropole Le marché subséquent n°1 est relatif à l’aménagement audiovisuel du nouveau siège de la métropole ». La société requérante, spécialisée dans le secteur des télécommunications et de l’électronique, remettait son dossier dans les délais impartis. Sa candidature était déclarée recevable. Selon le règlement de la consultation (article 4.2) les offres devaient comprendre des pièces portant à la fois sur l’accord cadre et sur le marché subséquent n°1. Selon l’article 6 du règlement, le choix du titulaire s’opèrait après une phase de sélection des candidatures au regard de leurs capacités professionnelles, techniques et financières, puis une phase de jugement des offres avec des critères définis comme suit : Pour l’accord-cadre :
Pour le marché subséquent n° 1 :
La société arrivée en 2ème position à la suite dudit classement choisissait de déférer à la censure du juge administratif la procédure de passation, par la voie du référé précontractuel. Elle choisissait le cabinet WILINSKI pour l’accompagner dans cette procédure. Or, il ressortait de l’avis d’appel public à la concurrence que l’acheteur public avait choisi de recourir à la formule de l’accord cadre mono-attributaire tout en lançant concomitamment, pour des questions de délai, le marché subséquent n°1. Par suite, ce choix procédural surprenant a eu pour conséquence de confier l’ensemble du marché à l’offre arrivée en première position, sur la base des seuls critères portant sur l’accord cadre ! Or, les documents de la consultation portaient sur les deux procédures (marché subséquent n°1 et accord-cadre), les documents contractuels étaient également composés des actes d’engagements pour les deux marchés, du DQE de l’accord cadre et du DGPF du marché subséquent ainsi que, pour chacun des contrats, des documents techniques (planning et note méthodologique pour le marché subséquent, cadre de réponse pour l’accord-cadre). Le jugement des offres était quant à lui défini dans le règlement de la consultation selon des critères de notation portant à la fois sur l’accord cadre et sur le marché subséquent. Le marché subséquent numéro 1 constituait par ailleurs l’essentiel de l’accord-cadre puisqu’il était la déclinaison au siège de la collectivité de l’aménagement audiovisuel prévu dans l’accord cadre pour l’ensemble des bâtiments appartenant à l’acheteur public. Il représentait d’ailleurs une part substantielle du montant total de l’accord cadre (environ 50 %) L’argumentation de la société requérante consistait a considéré qu’en occultant une phase entière de la notation, l’acheteur public avait présélectionné le groupement attributaire en fonction de critères ne permettant pas de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. En effet, ce dernier se retrouvait seul en course à la suite de la phase de jugement puisque l’acheteur avait fait le choix de recourir à un accord cadre mono-attributaire. Le marché subséquent lui a donc été attribué alors même que l’offre de la société requérante pouvait être considérée comme économiquement la plus avantageuse, notamment en termes technique. Ce faisant, l’acheteur a conféré un avantage indirect au groupement attributaire en refusant d’analyser les offres sur le fondement de l’ensemble des critères pourtant défini au règlement de la consultation. Ce manquement a particulièrement lésé la société requérante, eu égard au faible écart séparant les deux candidature (2 pts) et dans la mesure où l’acheteur public s’est contenté d’attribuer la note maximale sur 20 à chacun des candidats sur l’accord cadre, lesquels portait sur trois simples points (Visioconférence, IPTV, système de conférenciers multimédia) alors même que toute la difficulté technique du marché était analysée dans le cadre du marché subséquent (délais d’exécution, modalités d’organisation et méthodologie). Par suite, l’atteinte au principe de transparence des procédures était selon la société requérante manifeste, et l’avait directement lésé puisque la procédure choisie ne pouvait conduire à choisir une offre économiquement plus avantageuse que celle de l’attributaire, notamment sur le plan technique. Pour résumer alors même que la méthode de notation était clairement décrite dans le règlement de la consultation, la procédure choisie n’a pas été utilisée par l’acheteur public, ce dernier se contentant d’attribuer le marché à l’aune des seuls critères portant sur l’accord cadre. Or, s’il est loisible au pouvoir adjudicateur de déterminer librement les modalités de l’attribution, il se doit d’assurer la transparence des processus décisionnels de passation des marchés qui sont essentielles pour la qualité des procédures (TA. Lille, 6 avril 2016, juge des référés, n°160912, C+). Le juge des référés précontractuels a fait droit à l’argumentation de la requérante. Il a en effet considéré que « Ce marché subséquent, (…) porte sur des prestations qui, au regard des informations et prescriptions techniques portées à la connaissance des candidats, pouvaient être regardées comme correspondant à l’essentiel des travaux et services susceptibles d’être confiés au titulaire de l’accord-cadre. (…) Il résulte de ce qui précède que le manquement au principe de transparence résultant des caractéristiques mêmes de la consultation, dont l’objet apparent a pu induire en erreur les opérateurs intéressés, a été susceptible, en l’espèce, de léser la société qui a conçu ses deux offres au regard de ces caractéristiques. Dès lors, et alors même qu’elle n’aurait pas interrogé la MEL ni émis de réserves durant la consultation, la société requérante est fondée à invoquer l’irrégularité entachant la procédure en litige qui, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, doit être annulée. ». L’acheteur public a choisi de se pourvoir en cassation contre ladite ordonnance de référé. La suite au prochain épisode…
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François WilinskiAvocat Archives
Décembre 2020
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