La loi ASAP, à ne pas confondre avec la locution anglo-saxonne « As soon as possible » a pour but affiché d’accélérer et de simplifier l’action publique, dès que possible… 😉
Au cours de la discussion parlementaire, des amendements modifiant le code de la commande publique ont été introduits. Les règles ont été par exemple assouplies en cas de circonstances exceptionnelles, comme ce fut le cas durant la période du 1er confinement, ainsi que pour les PME. La passation dérogatoire de certains marchés a également été simplifiée, avec la justification par "l'’intérêt général" de la conclusion de marché de gré à gré, c’est-à-dire sans procédure de passation… Au surplus, le dispositif en faveur des PME (initialement prévu pour les marchés de partenariat) est étendu à l’ensemble des marchés globaux. Jusqu'à la fin de l’année 2022, le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion des marchés de travaux est relevé à 100 000 euros. Par ailleurs, le recours aux marchés de conception-construction, qui permet au maître d’ouvrage, en dérogeant à la loi MOP, de confier simultanément la conception (études) et la réalisation (exécution des travaux) d’un ouvrage à un seul prestataire pour les ouvrages d’une technicité particulière, est étendu aux marchés pour les infrastructures de transport de l’État. Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020(1), le Conseil constitutionnel devait notamment se pencher sur à la conformité à la constitution de certaines de ces mesures… S’agissant des marchés sans publicité ni mise en concurrence pour motif d’intérêt général, et après avoir rappelé qu’il appartenait au législateur de définir les procédures de passations des acheteurs publics ainsi que les règles et modalités encadrant ces procédures (Les députés requérants faisaient valoir que, faute de déterminer les motifs d'intérêt général permettant une telle dérogation cette mesure était entachée d'incompétence négative), le Conseil constitutionnel a jugé que, dès lors que la loi précise les conditions dans lesquelles les dérogations aux règles de la commande publique ne doivent qu’exclusivement être appliquées (ex : existence d'une première procédure infructueuse, urgence particulière, objet ou valeur estimée du marché) le grief tiré de la méconnaissance, par le législateur, de l'étendue de sa compétence doit être écarté. Au surplus le Conseil rappelle que le mécanisme n'exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du code de la commande publique. S’agissant des marchés pouvant être conclus sans publicité ni mise en concurrence jusqu’à 100 000 euros, le Conseil constitutionnel constate qu’en facilitant la passation des seuls marchés de travaux par un allègement temporaire du formalisme des procédures, le législateur entendait contribuer à la reprise de l’activité dans un secteur particulièrement affecté par la crise économique consécutive à l’épidémie de Covid-19 et que la mesure est proportionnée à cet objectif d’intérêt général. L’accès des entreprises en difficulté aux contrats de la commande publique est donc facilité, et cette forme d’aide au secteur économique local après la crise sanitaire, qui pourrait être perçu comme une mesure discriminatoire en faveur des entreprises française, posera nécessairement question au regard de la jurisprudence de la Cour européenne de Justice portant sur les aides d’Etat… En effet, si l’’article 132 insère au sein du code de la commande publique deux nouveaux livres consacrés aux "circonstances exceptionnelles" permettant au pouvoir réglementaire d’adopter des mesures dérogatoires ; le Conseil constitutionnel indique que le législateur a strictement encadré la mise en œuvre de telles mesures en imposant que soit reconnue, au préalable, l’existence de telles circonstances par voie législative, écartant ainsi les risques d’utilisation arbitraire par les acheteurs publics. Par ailleurs, la décision souligne que les dispositions dérogatoires ne peuvent être mises en œuvre que si ces circonstances exceptionnelles affectent directement les modalités de passation ou les conditions d’exécution des contrats. Par voie de conséquence, le Conseil estime que les dispositions de la LOI ASAP modifiant le code de la commande publique sont conformes à la Constitution.
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Les élections municipales sont un rendez-vous incontournable de la vie politique française.
Dans ce pays aux 34 953 communes, le processus électoral permet de donner la parole aux administrés, lesquels sont appelés à choisir l’équipe chargée de la gestion de la municipalité durant les six prochaines années. Le juge administratif est compétent pour contrôler la régularité des opérations et veiller à la sincérité du scrutin. Le contentieux électoral est guidé par des règles de procédure spécifiques, enserrées dans de brefs délais afin d’éviter une incertitude trop longue pesant sur les résultats de l’élection et in fine sur la gestion des services publics locaux. Aux termes des article R. 119 et R. 120 du Code électoral :
Si l'Etat d'urgence sanitaire avait amené le pouvoir Exécutif à adapter les délais en la matière (article 15 de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020), aucune prorogation ne sera vraisemblablement prévue pour le second tour. Il y a donc lieu d’être particulièrement vigilant, à peine d’irrecevabilité des écritures, ce d’autant que les circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie augmentent les potentialités contentieuses. Il est évident que les annonces du Président de la République et de son Premier Ministre, les 12 et 14 mars 2020 (fermeture des établissements scolaires, des restaurants, des commerces non-essentiels etc.) ont pu saper la volonté de se déplacer de certains électeurs, pourtant familiers des urnes, les privant ainsi leur prise de parole démocratique. Le juge administratif, dans le cadre d’une protestation électorale relative aux résultats du premier tour a transmis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel afin qu’il se prononce sur la conformité à la Constitution de l’article 19 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, lequel permet la déconnexion entre les deux tours de l'élection municipale et valide les résultats du premier tour, malgré les circonstances inédites de son déroulement. Une déclaration d’inconstitutionnalité de cet article conduirait à remettre en cause toute l’opération électorale et, par voie de conséquence, l’installation de l’ensemble des conseillers municipaux élus dès le 15 mars 2020. En tout état de cause, une déclaration de conformité à la Constitution des dispositions électorales de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 n’entraînerait pas pour autant une baisse significative des risques contentieux pesant sur le second tour des élections municipales. En effet, la prolongation de l’entre-deux tour durant trois mois pose nécessairement question quant au principe de sincérité du scrutin, le mécanisme de « campagne officielle » permettant normalement une déconnexion entre la gestion communale et la propagande électorale. L’utilisation des moyens de la commune à des fins électoralistes est, par exemple, prohibée durant cette période. Or, si l’article 19 de la loi n°2020-290 fait débuter la campagne du second tour le 15 juin 2020, les mesures mises en œuvre durant la crise sanitaire par les équipes municipales en exercice avant le premier tour ont pu permettre de reconnecter propagande électorale et gestion communale. Un maire en ballottage défavorable ayant largement communiqué, en sa qualité de candidat, sur les actions menées durant le confinement (dons de masques, mise à disposition gracieuse d’un service d’aides à domicile pour les personnes isolées, soutien aux entreprises locales etc.) verrait-il son élection remise en cause par le juge administratif en cas de contestation ? Ce dernier opère un contrôle in concreto des protestations électorales portées devant lui, eu égard au faible écart de voix entre les candidats et aux actions présentées comme étant de nature à altérer la sincérité du scrutin et à en vicier les résultats. Au demeurant, le décret n°2020-643 du 27 mai 2020 relatif au report du second tour est particulièrement laconique sur les conditions de la propagande électorale. Nul doute que cet entre-deux tour qui s’est éternisé amènera son lot de réclamations portées par des candidats malheureux devant le juge administratif. La parole démocratique pourrait alors être rendue aux citoyens… François WILINSKI et Camille BRIATTE Avocats au Barreau de Lille Montesquieu affirmait, dans l’esprit des lois, qu’il fallait toujours « éclairer l'histoire par les lois et les lois par l'histoire ».
Nul ne doute que le moment exceptionnel que nous vivons actuellement marquera l’histoire, puisque jamais la population n'a été confinée à demeure 23 heures sur 24, jamais l’économie ne fut mise à l’arrêt pour préserver la santé des personnes et la sécurité des biens, jamais la santé de personnes et la sécurité des biens ne justifièrent de tels coups portés aux libertés fondamentales, jamais les lieux d’enseignements ne furent fermés, le fonctionnement des juridictions interrompu, les concours suspendus, comme les décisions de l’Administration, l’instauration des nouvelles municipalités, les élections des représentants des salariés, etc. Ce coup de canif porté au principe de légalité, dont on ne sait s’il ne transformera pas en coup de poignard à l’’Etat de droit, se pare des oripeaux d’une sémantique guerrière dont la logique manichéenne sur laquelle elle repose pourrait conduire à plus d’insécurité que la menace à l’ordre public qu’elle entend éviter… En tout état de cause, cette crise aura mis en évidence la part prépondérante du droit public dans l’espace politique, juridique, et maintenant médiatique français. Que l’on songe de manière générale à la notion « d’Etat d’urgence sanitaire », aux ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, aux pouvoirs de police du premier ministre utilisés lors de circonstances exceptionnelles, à la responsabilité de la puissance publique, aux mécanismes d’interventions des autorités administratives dans le secteur économique ; le champ des possibles en matière de recherche apparaît extrêmement large, autant que les secteurs malheureusement impactés par le virus. Nul ne peut douter que des analyses interdisciplinaires mêlant droit, philosophie, économie, médecine, sociologie, épidémiologie, virologie etc. ; pourront (ou devront) être menées pour essayer de comprendre l’ampleur du phénomène auquel nous assistons… Cette contribution n’a pour but exclusif que de mettre en lumière ce qui constitue, pour le modeste praticien du droit administratif que je suis devenu, non plus un net recul de nos libertés fondamentales, déjà consacré en 2015 à la suite des attentats terroristes ; mais la suspension pure , simple et sans délai de la liberté d’aller et venir, de la liberté individuelle, de la liberté du commerce et de l’industrie, de la liberté de réunion [1], etc. Aucun débat n’est possible, puisque « nous sommes en guerre ». L'utilisation du champ lexical militaire pour décrire la situation actuelle est infâme. Elle n'a qu'un seul but, faire naître un ennemi imaginaire empêchant tout débat de s’installer. La contradiction est donc inenvisageable puisque personne ne peut expressément souhaiter porter atteinte à la vie des autres. Or, si vous ne respectez pas les mesures gouvernementales, ce n’est pas seulement vous-même que vous mettez en danger, mais vos enfants, vos parents, vos amis... Les insultes et les appels aux sanctions formulés par les « néo-Parsons » des réseaux sociaux pleuvent sur « les imbéciles qui sortent de chez eux », « les égoïstes, à la tête remplie d’eau, qui bafouent le (sacro-saint) confinement ». Gageons qu’ils ne finissent pas aussi tristement que le malheureux voisin de Winston Smith… Ainsi, le banal est devenu dans la France de 2020, l’exception ! Sortir de chez soi pour rejoindre des amis est devenu aussi inenvisageable pour les français que pour l’État de respecter les règles budgétaires européennes imposées depuis Bruxelles … Des mesures liberticides ont été prises par les autorités titulaires du pouvoir de police administrative. Que l’on songe, pêle-mêle : aux interdictions de pratiquer des activités physiques, durant les heures de la journée[2], aux interdictions de s’asseoir pendant une durée de plus de deux minutes sur un banc ou sur « un espace assimilable » (Sic).[3], aux interdictions de cracher[4] faire du bruit de 10 heures à 12 heures et de 16 heures à 18 heures[5], aux arrêtés réquisitionnant les chasseurs (possédant par définition des armes à feu) afin de « prévenir et signaler » les déplacements de personnes non conformes à ceux autorisés par l’autorité préfectorale[6]…. En droit, et plus particulièrement en droit administratif, l’on enseignait naguère aux étudiants que l’activité de police, au sens administratif du terme, représentait l’ensemble des mesures prises par l’administration tendant à imposer à l’exercice des libertés de chacun les limites et la discipline exigée par la vie en société. Le principe était alors, comme le mentionnait le professeur CHAPUS, que les limitations apportées aux libertés par l’autorité de police n’étaient légales que si et dans la mesure où le maintien de l’ordre public les rendait nécessaires. Selon le doyen HAURIOU : « l’ordre public, au sens de la police est l’ordre matériel et extérieur. » Il s’agissait donc d’éviter les désordres visibles, puisque l’ordre dans les esprits et dans les mœurs ne relevent pas normalement de la police dans les régimes libéraux, contrairement aux régimes totalitaires. La trilogie définissant l’ordre public provient de la loi du 22 décembre 1789, reprise par la loi du 4 avril 1884 portant organisation communale et actuellement codifié dans le Code général des collectivités territoriales, à l’article L 2212-2. Elle comprend la sécurité publique, la tranquillité publique et la salubrité publique. Le caractère insolite des quelques arrêtés de police listés ci-dessus, ne doit pas faire oublier que les mesures de police, comme toute l’action de l’administration sont soumises, en temps normal, au principe de légalité. Or, une interdiction de police, par essence attentatoire à l’exercice d’une liberté, n’est légale lorsque qu’elle est en adéquation aux faits qui l’ont motivée (CE, 19 mai 1933, Benjamin : Rec. CE 1933, p. 541 ; S. 1934, 3, p. 1, concl. Michel, note Mestre) C'est en matière de police que la jurisprudence a, depuis le plus longtemps, subordonné la légalité d'une décision à sa nécessité ou son exacte adéquation aux données de l'espèce, dans la mesure où, selon la célèbre formule du commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions sous l'arrêt « Baldie » (CE, 17 août 1917 : Rec. CE 1917, p. 638) “la liberté est la règle, la restriction de police, l'exception”. Ainsi, le juge doit vérifier, non seulement si le risque de troubles à l'ordre public invoqué par l'autorité pour justifier sa décision est avéré, mais également si cette menace est d'une gravité telle qu'elle justifie l'adoption de la mesure prise au regard de l'importance de l'atteinte qu'elle porte aux droits et libertés reconnus. Et s'il apparaît que la mesure prise a porté une atteinte excessive aux droits et libertés fondamentaux, son annulation est inévitable. La théorie des circonstances exceptionnelles constitue une atténuation non négligeable au principe de légalité. Elle permet à l’administration de prendre des des meures qui dérogent au principe de légalité, soit parce qu’elle dérogent aux règles de forme prévus par les textes, soit parce qu’elles sont contraires aux règles de fond, notamment lorsqu’elles empêchent l’exercice normal des libertés. Le contrôle du juge administratif est alors plus souple sur ces mesures. Ce dernier doit normalement contrôler le caractère grave et imprévu de l’évènement justifiant le recours à des mesures de police exceptionnelles, l’impossibilité d’agir dans le cadre de la légalité, le caractère persistant des circonstances eu égard aux effets dans le temps de la décision administrative, le caractère proportionné de la mesure, l’illégalité commise n’étant permise que pour répondre aux nécessités du moment ! Or, le gouvernement en place n’a pas choisi d’utiliser ces prérogatives spécifiques, qui auraient pu fonder des mesures prises sur le plan national avec possibilité d’aggravation au plan local, mais de recourir à la loi, en faisant voter par le parlement la création d’un nouvel état d’exception, l’Etat d’urgence sanitaire[7]. Le recours à ce mécanisme repose sur des motifs larges[8], avec une autorisation de prorogation du parlement intervenant plus tardivement que celle prévue pour l’état d’urgence dit « sécuritaire »[9], et permet au premier ministre de prendre des actes réglementaires restrictifs dans nos libertés (d’aller et venir, fermeture des ERP, interdiction de réunion, etc. ) et au gouvernement de prendre par le biais d’ordonnances des mesures extrêmement larges, dans l’ensemble des domaines relevant habituellement de la compétence du législateur. Ces mesures n’ont fait l’objet que d’un débat démocratique tronqué. Le contrôle de leur légalité pose également question. Le 9 avril 2020, sans audience publique, le Conseil d’Etat a rejeté la requête introduite au nom de plusieurs associations humanitaires ainsi que la première question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’état d’urgence sanitaire qui l’accompagnait. Il avait préalablement rejeté les requêtes successivement présentées par le Syndicat de la magistrature, la Ligue des droits de l’homme, l’Observatoire international des prisons, l’Association des avocats pénalistes, l’Union des jeunes avocats, le Syndicat des avocats de France, Droit au logement (DAL), Act Up Paris, Aides, le collectif Inter-Hôpitaux, l’Action des chrétiens contre la torture (ACAT), Droits d’urgence, la Fondation Abbé Pierre et la fédération CGT de la santé. Le raisonnement est limpide ; il appartient aux autorités publiques, face à une épidémie telle que celle que connaît aujourd’hui la France, de prendre, afin de sauvegarder la santé de la population, toute mesure de nature à prévenir ou limiter les effets de cette épidémie. Lorsque l’action ou la carence de l'Etat créé un danger, le juge du référé liberté peut faire cesser l'atteinte mais en aucun cas se substituer au pouvoir en place en faisant droit aux injonctions sollicitées par les requérants, ce d’autant plus que la carence de l’État, n’est selon le juge administratif pas constituée. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 mars 2020[10], a déclaré qu'au vu des circonstances particulières, il n’y avait pas lieu de considérer l'adoption de la loi organique d'urgence sanitaire comme constitutive d’une violation des règles de la procédure prévues à l’article 46 de la Constitution. [11] Or, les "circonstances particulières" ne font l'objet d’aucune disposition au sein de la constitution, ce qui conduit des spécialistes de renom à considérer que la constitution française était actuellement violée[12], avec l’aval du juge ! L'article unique de la loi organique d’urgence prévoit la suspension jusqu'au 30 juin 2020 des délais de trois mois pendant lesquels le Conseil d'État ou la Cour de cassation doit se prononcer sur le renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Cette suspension concerne aussi le délai de trois mois pendant lequel ce dernier doit statuer sur une telle question. Le Conseil constitutionnel a précisé, de manière surprenante, que "cette disposition ne remet pas en cause l'exercice de ce recours ni n'interdit qu'il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période". Le gouvernement dispose donc du champ libre pour intervenir en toute matière et sans contrôle politique, ni juridique… Des mesures extrêmement graves, impactant la vie de l’ensemble des français ont pourtant été prise, par ordonnance C’est par exemple le cas de celles consistant à prolonger de plein droit la durée de la détention provisoire de deux ou trois mois en matière correctionnelle et de six mois en matière criminelle[13], sans la moindre intervention d’un juge. C’est encore le cas de l’ordonnance portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée de travail et de jours de repos[14], dont le caractère flou des notions qu’elle emploie permet notamment, et sans accord collectif, à l’employeur d’imposer ou de modifier la date de prise de certains « jours de repos » au salarié, sur une période s’étendant jusqu’au 31 décembre 2020[15]. C’est également le cas des ordonnances n°2020-306 du 25 mars 2020 prorogeant notamment les délais d’instruction et de délivrance des actes administratifs ; n°2020-305 sur les procédures devant la juridiction administrative[16]; n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale ; n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics ; n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements public, etc. Il serait fastidieux pour le lecteur, et inutile pour l’observateur, d’établir la liste exhaustive de ces textes, d’ailleurs disponible sur les sites officiels de l’État[17]. Il convient néanmoins d’affirmer, que si pour l’instant le juge refuse de sanctionner les mesures prises sur le fondement de ces textes, il n’en demeure pas moins que l’ensemble des actes et des situations générés par la présente crise pourront un jour être le terreau de multiples contentieux portés à l’encontre des personnes morales de droit public. Il faudra ainsi s’interroger sur les carences en matière hospitalière, sur les mécanismes d’intervention des communes dans le secteur économique local, sur la passation de marchés publics en lieux et place du titulaire défaillant, sur la responsabilité des employeurs publics en cas de contamination de leurs agents, sur le contentieux des sanctions administratives et des amendes établies durant l’’Etat d’urgence, sur l’ensemble des mesures ayant conduit à supprimer, sans même que nous puissions y consentir, des libertés que l’on nommait fondamentales… A défaut, l’État de droit ne deviendrait plus qu’une notion étudiée dans les cours d’histoire. Espérons que cette dernière affirmation soit erronée. Peut-être faudrait-il en effet, comme Giuseppe Tomasi le faisait dire à Tancrède dans le Guépard, « que tout change pour que rien ne change »… [1] Et demain sans doute du respect de la vie privée et familiale et du droit que possède chaque individu de déterminer lui-même ses représentations intellectuelles, morales, politiques, c’est-à-dire la liberté d’opinion ! [2] Arrêté du préfet de police de Paris n° 2020-00280 en date du 7 avril 2020 ; Arrêté du Préfet du Val-de-Marne n°2020-1025 du 7 avril 2020, arrêté du 9 avril 2020 du Maire de la Commune de Saint Etienne. [3] Arrêté du 6 avril 2020 du Maire de la Commune de Biarritz, heureusement retiré depuis. [4] Arrêté n°2020-04/442 du 2 avril 2020 du Maire de la commune de Marcq-en-Barœul [5] Arrêté n°2020-450 du 7 avril 2020 du Maire de la commune de Grenoble [6] Arrêté n°2020-CAB-55 du 03 avril 2020 du préfet de Seine et Marne portant réquisition de certains chasseurs et garde-chasses [7] LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 [8] Article L. 3131-12 du code de la santé publique « Catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». [9] Article L. 3131-13 du code de la santé publique prévoit un délai d’un mois alors que l’article 2 de la loi 55-385 fixe un délai de 12 jours à la suite duquel le parlement doit se prononcer sur la prolongation. [10] Décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020, Loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 [11] Un délai de 15 jours doit normalement être observé avant la présentation du texte à l’Assemblée en procédure accélérée. [12]https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2020799dc/2020799dc_contributions.pdf https://constitutiondecodee.fr/2020/04/06/etat-durgence-sur-les-libertes/ [13]Article 16 de l’ordonnance de la Ministre de la Justice du 25 mars 2020 relative à la procédure pénale. [14] Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos [15] Pour aller plus loin, CORTOT (J.), Ordonnance coronavirus concernant les jours de repos du salarié, de quoi parle-t-on ?, Dalloz actualités, 1er avril 2020 [16] lesquelles permettent aujourd’hui de reporter la clôture d’une instruction sans aucune autre indication ou encore de rendre des décisions de justice, en référé, sans qu’une audience, et donc qu’un débat contradictoire soit organisée [17] https://www.vie-publique.fr/dossier/273985-les-ordonnances-covid-19-mars-et-avril-2020-dossier L’accord cadre est une technique d’achat définie au 1° de l’article L. 2125 de la commande publique. Elle permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d'une période donnée.
En l’espèce, une métropole a publié un avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution d’un accord-cadre à marchés subséquents sans montant minimum ni montant maximum pour l’aménagement audiovisuel de ses bâtiments, et selon une procédure d’appel d’offre ouvert passé en application de l’article R. 2124-2 du Code de la commande publique. La valeur totale du marché était estimée par l’acheteur à la somme de 4 500 000 euros. L’objet du marché est défini de la manière suivante, à l’article premier du règlement de la consultation : « La présente consultation concerne un accord à marchés subséquents pour l’aménagement audio-visuel des bâtiments de la Métropole Le marché subséquent n°1 est relatif à l’aménagement audiovisuel du nouveau siège de la métropole ». La société requérante, spécialisée dans le secteur des télécommunications et de l’électronique, remettait son dossier dans les délais impartis. Sa candidature était déclarée recevable. Selon le règlement de la consultation (article 4.2) les offres devaient comprendre des pièces portant à la fois sur l’accord cadre et sur le marché subséquent n°1. Selon l’article 6 du règlement, le choix du titulaire s’opèrait après une phase de sélection des candidatures au regard de leurs capacités professionnelles, techniques et financières, puis une phase de jugement des offres avec des critères définis comme suit : Pour l’accord-cadre :
Pour le marché subséquent n° 1 :
La société arrivée en 2ème position à la suite dudit classement choisissait de déférer à la censure du juge administratif la procédure de passation, par la voie du référé précontractuel. Elle choisissait le cabinet WILINSKI pour l’accompagner dans cette procédure. Or, il ressortait de l’avis d’appel public à la concurrence que l’acheteur public avait choisi de recourir à la formule de l’accord cadre mono-attributaire tout en lançant concomitamment, pour des questions de délai, le marché subséquent n°1. Par suite, ce choix procédural surprenant a eu pour conséquence de confier l’ensemble du marché à l’offre arrivée en première position, sur la base des seuls critères portant sur l’accord cadre ! Or, les documents de la consultation portaient sur les deux procédures (marché subséquent n°1 et accord-cadre), les documents contractuels étaient également composés des actes d’engagements pour les deux marchés, du DQE de l’accord cadre et du DGPF du marché subséquent ainsi que, pour chacun des contrats, des documents techniques (planning et note méthodologique pour le marché subséquent, cadre de réponse pour l’accord-cadre). Le jugement des offres était quant à lui défini dans le règlement de la consultation selon des critères de notation portant à la fois sur l’accord cadre et sur le marché subséquent. Le marché subséquent numéro 1 constituait par ailleurs l’essentiel de l’accord-cadre puisqu’il était la déclinaison au siège de la collectivité de l’aménagement audiovisuel prévu dans l’accord cadre pour l’ensemble des bâtiments appartenant à l’acheteur public. Il représentait d’ailleurs une part substantielle du montant total de l’accord cadre (environ 50 %) L’argumentation de la société requérante consistait a considéré qu’en occultant une phase entière de la notation, l’acheteur public avait présélectionné le groupement attributaire en fonction de critères ne permettant pas de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. En effet, ce dernier se retrouvait seul en course à la suite de la phase de jugement puisque l’acheteur avait fait le choix de recourir à un accord cadre mono-attributaire. Le marché subséquent lui a donc été attribué alors même que l’offre de la société requérante pouvait être considérée comme économiquement la plus avantageuse, notamment en termes technique. Ce faisant, l’acheteur a conféré un avantage indirect au groupement attributaire en refusant d’analyser les offres sur le fondement de l’ensemble des critères pourtant défini au règlement de la consultation. Ce manquement a particulièrement lésé la société requérante, eu égard au faible écart séparant les deux candidature (2 pts) et dans la mesure où l’acheteur public s’est contenté d’attribuer la note maximale sur 20 à chacun des candidats sur l’accord cadre, lesquels portait sur trois simples points (Visioconférence, IPTV, système de conférenciers multimédia) alors même que toute la difficulté technique du marché était analysée dans le cadre du marché subséquent (délais d’exécution, modalités d’organisation et méthodologie). Par suite, l’atteinte au principe de transparence des procédures était selon la société requérante manifeste, et l’avait directement lésé puisque la procédure choisie ne pouvait conduire à choisir une offre économiquement plus avantageuse que celle de l’attributaire, notamment sur le plan technique. Pour résumer alors même que la méthode de notation était clairement décrite dans le règlement de la consultation, la procédure choisie n’a pas été utilisée par l’acheteur public, ce dernier se contentant d’attribuer le marché à l’aune des seuls critères portant sur l’accord cadre. Or, s’il est loisible au pouvoir adjudicateur de déterminer librement les modalités de l’attribution, il se doit d’assurer la transparence des processus décisionnels de passation des marchés qui sont essentielles pour la qualité des procédures (TA. Lille, 6 avril 2016, juge des référés, n°160912, C+). Le juge des référés précontractuels a fait droit à l’argumentation de la requérante. Il a en effet considéré que « Ce marché subséquent, (…) porte sur des prestations qui, au regard des informations et prescriptions techniques portées à la connaissance des candidats, pouvaient être regardées comme correspondant à l’essentiel des travaux et services susceptibles d’être confiés au titulaire de l’accord-cadre. (…) Il résulte de ce qui précède que le manquement au principe de transparence résultant des caractéristiques mêmes de la consultation, dont l’objet apparent a pu induire en erreur les opérateurs intéressés, a été susceptible, en l’espèce, de léser la société qui a conçu ses deux offres au regard de ces caractéristiques. Dès lors, et alors même qu’elle n’aurait pas interrogé la MEL ni émis de réserves durant la consultation, la société requérante est fondée à invoquer l’irrégularité entachant la procédure en litige qui, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, doit être annulée. ». L’acheteur public a choisi de se pourvoir en cassation contre ladite ordonnance de référé. La suite au prochain épisode… Le contrat à impact social, issu des pays Anglo-Saxons et communément dénommé SIB « social impact bonds » procède d’un investissement qui allie explicitement retour social et retour financier sur investissement. Il implique en conséquence l’établissement d’objectifs sociaux prioritaires et spécifiques dont l’impact est mesurable par un processus continu d'évaluation. Ce nouveau type de partenariat public-privé est destiné à financer des programmes ayant une vocation sociale par le bais d’un contrat entre pouvoirs publics et un ou des partenaires regroupant financeur, évaluateur et opérateur de terrain pour mettre en place une action sociale précise. Les parties s'entendent sur un objectif de résultat, qui peut être social ou financier. L'investisseur finance l'organisation sociale et porte une partie du risque associé au projet. Si l'objectif est atteint, ou les critères réévalués, l'investisseur percevra un taux de retour sur investissement, et s'il est dépassé, la rémunération sera augmentée. L’exemple de l’aide sociale à l’enfance permet de mieux comprendre la fonctionnalité de ce mécanisme. Prenons l’hypothèse d’une augmentation sensible du nombre d’enfant placés dans des familles ou des structures d’accueils à la suite de maltraitance. Plutôt que de financer directement le travail des éducateurs et foyers d’accueil à l’œuvre sur le terrain, un département (qui est l’autorité administrative compétente en matière de protection de l’enfance) pourrait faire financer un projet par un investisseur privé. Le contrat pourrait prévoir une rémunération en fonction d’objectifs chiffrés sur la diminution du nombre de placement et la durée de l’accompagnement des familles. La personne publique ne rembourserait alors l’investisseur que si tous les objectifs étaient atteints, en y ajoutant une prime correspondant à un pourcentage calculé en fonction de la diminution des dépenses publique induites par la diminution du nombre d’enfant placés. En d’autres termes, un calcul simpliste permet de cerner la situation, si le coût de placement par enfant est de 20 000 euros par an et qu’un département est responsable chaque année de 5 000 placements, alors le coût annuel de ces mesures est de 100 millions d’euros ! Si le partenaire privé réussi à faire diminuer de 50 % le nombre d’enfant placés en structure par le biais de mesure préventives, le « gain » pour la collectivité représente 50 millions d’euros par an. Le partenaire, si l’objectif est rempli pourra percevoir une prime de 10% à partir de l'année où l'objectif est atteint, soit la somme de 5 millions d’euros. Un marché du social vient de naître ! À l’heure des restrictions budgétaires, ces mécanismes vantant le système « gagnant-gagnant », peuvent susciter l’enthousiasme des acteurs sociaux. Ainsi, la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire auprès du ministre de l’économie Emmanuel Macron, a lancé un appel à projets à titre d’expérimentation en 2016. L’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE) a signé un premier CIS avec l’État et un groupement d’investisseurs (BNP Paribas, la Caisse des dépôts, AG2R La Mondiale, la Fondation Avril et Renault Mobiliz Invest) pour permettre l’insertion économique de 172 à 320 personnes installées dans des zones rurales ou montagneuses au moyen d’un investissement initial de 1,3 million d’euros. « Il est possible de voir dans les CIS une forme innovante de partenariats public-privé (PPP), qui conjugue financement privé de missions sociales et paiements en fonction des résultats », juge l’économiste Frédéric Marty (Frédéric Marty, « Les contrats à impact social : une nouvelle génération de PPP pour les politiques sociales ? » (PDF), Politiques et management public, vol. 33, no 3-4, Cachan, 2016). Les PPP pénètrent la sphère du social avec le même prétexte : faire des économies ! En dehors des craintes légitimes qu’ils suscitent, ces instruments constituent ainsi un pas de plus vers la logique mythique selon laquelle le droit devrait toujours s’adapter aux faits. Dans un article publié en 1977, les Professeurs ATIAS et LINOTTE considéraient que le droit n’était pas neutre et que le jugement de valeur était une étape « décisive de la réflexion juridique »[1]. Ils expliquaient alors avec brio la signification du « lieu commun selon lequel le droit doit s’adapter au fait ». Plus qu’une simple une idée, cette directive relève en effet selon eux « du mythe ». Du grec muthos (le récit, la fable), le concept de Mythe véhicule en effet avec lui « l’image simplifiée, souvent illusoire, que des groupes humains se forment ou acceptent au sujet d'un individu ou d'un fait quelconque, et qui joue un rôle déterminant dans leur comportement ou leur appréciation »[2]. L’adaptation du droit au fait répond d’une certaine façon de ce sens. En effet, elle institue une forme de soumission du domaine juridique à la « réalité » factuelle et insinue ainsi l’impression selon laquelle l’élaboration de la norme ne permet aucune liberté à celui qui en détient le pouvoir : « ceux qui ont à décider du maintien ou du changement du droit doivent seulement constater la situation sociale et en enregistrer les exigences »[3] . Le secteur est incapable de financer ses missions régaliennes, il faudrait se trouver vers des opérateurs privés, lesquels seraient à même de supporter le risque inhérent à ses missions, de réduire leurs coûts et de permettre une réalisation plus efficiente des services. O tempora ! O mores ! Le droit serait donc dicté par les faits et les auteurs de ce grand article citent à l’appui de leur démonstration de nombreux exemples, notamment un passage des conclusions du commissaire du gouvernement GAZIER sur la célèbre jurisprudence Dehaene. Ce dernier affirmait en effet que la reconnaissance du droit de grève aux fonctionnaires découlait du fait que les grèves étaient devenues « de plus en plus fréquentes et banales », et que le juge était « tenu de le constater »[4]. Le mythe de l’adaptation du droit au fait peut être transposé à notre sujet d’étude. Les CIS sont la transcription de montages contractuels issus de la pratique et constituent ainsi des formes d’évitement des contraintes du droit public (notamment la règle du paiement pour service fait). Contraintes que d’aucuns jugent inadaptées à la réalité factuelle, plus particulièrement au besoin des personnes publiques en termes de services et d’infrastructures[5]. Nous avions déjà connu pareil enthousiasme avec les contrats de partenariat. Le législateur français avait, par exemple, autorisé la conclusion de baux à construction ainsi que la constitution de droits réels sur le domaine privé de la personne publique par le titulaire d’un contrat de partenariat[6]. Cette modification de la législation, issue d’un amendement parlementaire, avait « pour but d’élargir les opportunités de recettes complémentaires pour la personne privée »[7], permettant ainsi de diminuer la rémunération versée par la personne publique. Or, il ressort des travaux parlementaires même de cette loi que cette soudaine nécessité, non prévue par l’ordonnance de 2004, était inspirée factuellement par le projet du nouveau grand stade de Lille[8], plus particulièrement par la volonté du titulaire du contrat de consentir un bail sur les dépendances du domaine privé de la personne publique pour la construction d’un hôtel aux abords de l’infrastructure[9]. Comme l’écrivait SOREL : « nos mythes actuels conduisent les hommes à se préparer à un combat pour détruire ce qui existe […]. Un mythe n’est jamais innocent : cette neutralité affichée ne peut être que l’instrument d’une idéologie inavouée, d’idéologies changeantes et contradictoires »[10]. C’est donc naturellement autour de cette neutralité apparente du droit l’union européenne que nous tenterons d’expliquer que la volonté de développement de ces mécanismes (section 2). Au demeurant, c’est sur la cause et les effets du mythe que nous devons nous arrêter (section 1). Section 1 : Fondement et effets du mythe Le mythe ferait « écran »[11], c'est-à-dire qu’il bornerait « la réflexion sur les causes et les buts profond de la variation du droit »[12]. Selon nous, le développement de ces nouveaux instruments, participent de la conception selon laquelle les procédures actuelles n’offriraient pas les solutions efficaces pour résoudre les besoins des personnes publiques, notamment en termes de délivrance de services. « Le C.I.S » permettrait alors de financer à moindre coût ces projets et serait ainsi « la » solution aux problèmes factuels rencontrés par les administrations pour mener à bien leur mission (manque de moyens, complexité, etc.). La théorie de l’analyse économique du droit permet de remettre en cause cet argument. L’externalisation par voie de montages contractuels complexes et globaux ne peut être appliqué de manière homogène aux prestations de nature sociale rendues par l’État. Derrière cet écran de fumée se cache selon nous une cause : la disparition du monopole de l’État pour l’accomplissement des activités d’intérêt public (§1). S’ensuit alors une conséquence : la perte de légitimité de « l’État administratif » (§2). §1) La disparition du monopole de l’État pour l’accomplissement d’activités d’intérêt public Lié à la notion d’externalisation, le CIS symbolise d’abord à lui seul le passage de la captation monopolistique par l’État d’activités de nature sociale considérées comme d’intérêt public à l’idée d’une possible intervention du marché pour leur fourniture. Il peut être considéré ensuite comme la représentation de la participation du secteur privé à la délivrance d’activités de nature administrative, véhiculant ainsi la conception que la volonté de générer des profits n’est pas intrinsèquement inconciliable avec la poursuite de l’intérêt général. Il suppose enfin que la place du secteur privé n’est pas irrémédiablement à l’extérieur du champ de définition de la notion de service public. Le C.I.S., en tant qu’instrument d’externalisation des activités des personnes publiques, pose ainsi la question de la place de la notion dans la frontière poreuse entre privatisation du secteur public et publicisation du secteur privé (A) et permet donc de nous interroger sur l’évolution parallèle de la notion de service public et des contrats permettant sa dévolution (B). A) De la privatisation du secteur public à la publicisation du secteur privé ? Les CIS sont-ils véritablement à la pointe de l’ innovation sur le plan juridique? Le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) pointe le risque que les financeurs soient « tentés de ne soutenir que des projets facilement évaluables, au détriment d’autres, dont l’évaluation serait plus qualitative ». En novembre 2015, l'OCDE a produit un rapport sur les social impact bonds (SIBs), dans lequel on peut lire que « les SIBs ont fortement attiré l'attention à la suite de la crise financière. Ils ont été mis en place dans un certain nombre de pays, apparaissant comme une proposition attractive de financement des services sociaux. Cependant, les SIBs demeurent un instrument financier visant un impact social, relativement neuf, avec des éléments de preuve limités quant à leurs résultats. Par conséquent, des analyses plus approfondies sont nécessaires pour construire une base de connaissance solide fondée sur les faits. Les SIBs sont des instruments complexes. Ils font intervenir de multiples parties prenantes venant d'horizons divers [...]. Jusqu'à ce jour, les SIBs ont constitué des instruments coûteux. Ils ont comporté des coûts de transaction significatifs que les parties prenantes doivent prendre en considération avant de se lancer. [...] Il est extrêmement important de disposer d'une conception méthodologique rigoureuse pour identifier les résultats sociaux mesurables et les groupes cibles appropriés, afin d'éviter les effets pervers, comme l'écrémage, un effet "parking" ou "sélection des clients"[13] Cette notion de risque apparaît en fait toute relative. Ce même rapport notait qu’un seul investisseur n’était pas rentré dans ses frais, pour le premier CIS lancé aux États-Unis en 2012 dans l’objectif de réduire le taux de récidive des sortants d’une prison. Le contrat précisait que le financeur (Goldman Sachs), serait totalement remboursé si le taux de récidive diminuait de 8,2 %. En dépit de l’échec du programme, la banque a pu récupérer 6 millions de dollars sur les 7,2 investis, car son investissement était par ailleurs garanti à 75 % par la fondation Bloomberg Philanthropies[14]… En France, le premier CIS offrait également des garanties. Avant même de postuler, l’ADIE avait fait réaliser une étude par le cabinet d’audit KPMG pour mesurer l’impact économique de l’ensemble de ses actions. Résultat, 1 euro de subvention rapporterait au bout de deux ans 2,38 euros d’impact économique net à la société. Un an et demi après le lancement du programme, les objectifs étaient presque tous atteints. Sur 320 bénéficiaires, plus de 260 avaient réussi à s’insérer économiquement. « On prône l’innovation et l’expérimentation, mais en réalité on veut tout mesurer pour réduire l’incertitude inhérente à toute expérimentation, critique Nicolas Chochoy, directeur de l’Institut Godin. Dans un monde complexe, il est déjà compliqué d’isoler la variable qui permet de prouver le lien entre une action et un impact. Pour nous, il y a un paradoxe encore plus grand dans le fait d’allier innovation et impact social. »[15] Un rôle-clé revient aux évaluateurs et cabinets d’audit garants du fameux impact. KPMG est ainsi intervenu tout au long de la phase de montage du projet de l’ADIE et mènera une ultime évaluation six ans après le début du programme. « Ils effectuent six audits au total, mais ils nous ont aussi aidés à fixer les objectifs. C’était comme un filtre qui passait à la moulinette toutes nos propositions, les réorientant en proposant des méthodes de calcul », se souvient M. Olivier, qui ajoute avoir demandé par ailleurs l’aide d’un conseiller juridique. Or ces étapes ont un prix. En passant par une subvention publique classique, le projet aurait coûté 1,2 million d’euros. Financé par un CIS, il a fallu ajouter 100 000 euros pour rémunérer l’ensemble des intermédiaires. L’État devra rembourser au minimum 1,3 million d’euros, sans compter la prime de succès, qui pourrait porter la facture finale à 1,5 million. GASTON JÈZE qualifiait l’activité de service public en fonction de son régime. Il permettait selon lui « la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général »[16]. Aujourd’hui, ce n’est pas moins le qualificatif d’intérêt général qui est contesté, et l’application de réglementations plus strictes garantissant les principes évoqués ci-dessus, que leur gestion monopolistique par des entités publiques en dehors du marché. La logique instituée par le droit de l’Union européenne oblige en effet à les concevoir comme des activités soumises à concurrence[17], dès l’instant où elles sont susceptibles d’entrainer un profit par celui qui les exerce[18], et indépendamment de statut public ou privé de celui dont l’activité consiste « à offrir des biens ou des services sur un marché »[19]. Ainsi, les services d’intérêt économique général constituent un élément des « valeurs communes de l’Union » et un instrument de sa « cohésion sociale et territoriale»[20]. Cependant, la reconnaissance de cette notion au détriment de celle de service public conduit selon nous à accréditer la thèse de sa satisfaction par le seul marché,. Ainsi, dans son livre vert de 2003 sur les services d’intérêt général, la Commission européenne dévoile sa conception en affirmant que c’est le marché qui « assure habituellement la répartition optimale des ressources au bénéfice de l’ensemble de la société » et que si « certains services d’intérêt général ne sont pas entièrement satisfaits par les marchés seuls, […], les autorités publiques ont toujours eu comme responsabilité première de veiller à ce que les besoins de base collectifs et qualitatifs soient satisfaits et que les services d’intérêt général soient préservés lorsque les forces du marché ne peuvent y parvenir »[21]. L’exécution directe de ces types d’activités par les personnes publiques ne se justifie alors selon la Commission que par la défaillance du secteur privé. L’article 14 du T.F.U.E remet quelque peu en cause cette interprétation. Il dispose en effet que les principes fixés par l’Union dans le cadre de ses compétences et régissant le fonctionnement de ces services, ne sauraient aller à l’encontre « de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services »[22]. En outre, la jurisprudence de la Cour de justice indique, notamment à travers les arrêts Corbeau[23] et Commune d’Almelo[24], que le traité permet aux États de poser des restrictions à la concurrence en conférant des droits exclusifs à des entreprises lorsqu’ils s’avèrent nécessaire pour l’accomplissement de services d’intérêt généraux. Dès lors, la Cour de Luxembourg témoigne non seulement qu’il est loisible aux États membres de statuer sur le principe de l’intervention des opérateurs publics sur les marchés mais plus encore de choisir eux-mêmes des moyens d’organisation de ces services. Le C.I.S. peut être considéré paradoxalement à la fois comme un instrument de privatisation rampante ou comme permettant le renouveau de l’action publique. La nature des critiques, positives comme négatives, apparaissent toutefois comme circulaire. BLUM évoquait ainsi le modèle de la concession en des termes peu flatteurs au début du XXème siècle. Il dénonçait en effet « le caractère scélérat de ce type de conventions organisant la dépossession de l’État »[25]. Pourtant ce régime de « féodalisation industrielle »[26] dénoncé par l’homme politique, le juriste avait eu à en mesurer les effets dix années auparavant lorsqu’il était commissaire du gouvernement. Sa pensée d’hier peut alors être transposée à l’ensemble des instruments d’aujourd’hui. Dans l’affaire de la compagnie générale des tramways, après avoir balayé les arguments de la société requérante, laquelle contestait la décision préfectorale d’augmentation des rames non prévues au cahier des charges en se fondant sur le strict effet relatif du contrat, BLUM demanda à la Haute Assemblée de ne pas statuer en fonction de l’interprétation des clauses du cahier des charges mais en fonction du pouvoir de modification dont dispose le préfet, puisque « l’État ne peut se désintéresser du service une fois celui-ci concédé. Il est concédé, sans doute, mais n’en demeure pas moins un service public. La concession représente une délégation, […], elle n’équivaut pas à un délaissement. »[27]. Les C.I.S. peuvent revêtir, d’une certaine manière, l’image d’outils permettant la privatisation rampante des activités sociales de l’administration, parce qu’ils entraînent l’externalisation, à une entreprise privée, de missions entrant le champ de compétence des pouvoirs publics. Dans une autre acception, ils s’en éloignent et peuvent être assimilés à une « publicisation » du secteur privé. Ils ne suppriment pas en effet le caractère public de l’activité. L’externalisation par voie de C.I.S. impose à l’entreprise les exécutant de respecter les règles et principes du droit public. Ainsi, la création comme la suppression du service, sont toujours l’apanage de l’administration. C’est elle également qui contrôle et sanctionne le partenaire si elle estime que ses obligations n’ont pas été respectées[28]. Il est donc intéressant de noter que ce type particulier de contrats à paiements publics nécessite également un contrôle efficace de la personne publique. En déléguant ce contrôle à des évaluateurs intéressés, les pouvoirs publics se privent d’une spécificité qui conditionne jusqu’à leur existence. B) Le lien entre les évolutions de la notion de service public et les contrats portant sa dévolution Le terme « service public » ne fait pas l’objet d’un traitement explicite au sein du traité de Lisbonne. Il n’est mentionné expressément qu’à deux reprises. Une première fois en matière d’aide d’État à propos des transports, ces dernières sont ainsi compatibles avec le traité lorsqu’elles correspondent au remboursement « de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public »[29]. Une seconde fois pour le système de radiodiffusion publique dans les États membres, les dispositions traités ne portant pas atteintes aux financements accordés aux organismes de radiodiffusion aux fins de « l’accomplissement de la mission de service public, […], dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun »[30]. Le service public n’est donc pas défini au sein des traités et semble être appréhendé exclusivement comme un moyen de justifier deux dérogations au sacro-saint principe de concurrence lorsque l’octroi d’aides publiques par les États membres ayant recours au concept s’effectue dans ces domaines particuliers. Cependant, une notion est utilisée explicitement : Le service d’intérêt général (S.I.G). Le service d’intérêt général est défini par la Commission comme l’ensemble des « services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent à des obligations de service public »[31]. Dans ce cadre, la dimension organique importe peu, seule compte la mission. Le service d’intérêt général est mentionné au protocole n°26 du Traité dont l’article 2 dispose que « les dispositions du traité ne porte en aucune manière atteinte à la compétence des États membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d’intérêt général ». Le service d’intérêt général non économique s’oppose ainsi au service d’intérêt économique général (S.I.E.G). Ce dernier est défini de façon discrétionnaire par les États membres, en fonction des besoins qu’ils estiment nécessaires pour les utilisateurs. Il existe donc deux catégories d’activités : les activités non économiques, ou plutôt non marchandes, c’est-à-dire soustraites aux règles de concurrence établies dans le traité ; et les activités de nature économique, ou plutôt marchandes, auxquelles s’appliquent, en principe, les règles de concurrence parce qu’elles sont susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres. Cependant, le périmètre de la notion de service non économique apparait très circonscrit. La jurisprudence de la Cour de justice se cantonne pour l’instant à une application aux services de police et à la sécurité sociale, le premier demeurant le symbole des « prérogatives de puissance publique », il ne peut par conséquent présenter « un caractère économique justifiant l’application des règles de concurrence du traité » [32] ; le second, reposant « sur le principe de solidarité nationale » [33] ne saurait ainsi revêtir un caractère lucratif. Les catégories des services d’intérêt général d’importance économique et sans importance économique ne sauraient cependant être confondues avec la distinction française entre activités administratives et activités industrielles et commerciales dans la mesure où les critères de l’origine des ressources et des modalités de fonctionnement[34] ne sont absolument pas pris en compte. La distinction demeure en effet exclusivement fondée en droit de l’Union européenne sur l’objet, témoignant selon nous d’une certaine subjectivité de la frontière. Certains services publics du droit français peuvent donc être considérés comme ayant une importance économique au sens du droit de l’union tout en n’étant pas considérés comme industriels et commerciaux au sens de droit administratif français. Néanmoins, la notion de S.I.E.G demeure la catégorie de référence. Elle est employée une première fois dans le T.F.U.E pour souligner les « valeurs communes de l’Union » ainsi que la « cohésion sociale et territoriale » véhiculées par ce concept[35]. Cependant, c’est au titre des règles communes de concurrence que le S.I.E.G est usitée véritablement. Cette notion permet en effet de justifier de l’inapplicabilité des règles du traité pour ce type d’activités lorsqu’elles font « échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie »[36]. À cette première distinction s’ajoute de surcroit une autre qualification issue du droit anglo-saxon : le service universel[37]. Le concept s’analyse comme son nom l’indique comme la mise à disposition, à l’ensemble des utilisateurs d’un État, de l’accès à des prestations jugées essentielles, à un prix raisonnable et à un niveau de qualité minimale garantie[38]. Cette conception s’est développée depuis une jurisprudence très importante de la Cour de justice, l’arrêt British Telecom de 1985[39]. La notion de service universel se concilie alors de façon très satisfaisante avec la logique libérale permettant d’intégrer le principe de concurrence dans des activités « sociales » qui étaient jusque-là entièrement publiques. Elle ne remet pas en cause le contrôle public sur celui qui conçoit et gère le service[40] mais se focalise uniquement sur le service rendu, c'est-à-dire le produit final reçu par l’usager. Ce qui compte c’est donc la fourniture d’un service au consommateur, avec un degré minimal d’exigence. La disparition du terme « public » permet d’affirmer que l’offre de ce service n’appartient plus inexorablement à une autorité publique mais, dans un réseau concurrentiel, à une pluralité d’offreurs. Le concept se rapproche donc de celui, anglo-saxon, de « public utilities »[41], témoignant d’une rupture du lien historique de rattachement entre l’organisme public et la fourniture du service public. La notion de service universel et la vision utilitariste qu’elle véhicule va alors être utilisée par le droit communautaire pour permettre, de façon sectorielle, l’ouverture à la concurrence des secteurs des industries de réseaux. En effet, des directives vont instituer « un service universel », notamment dans le secteur des activités postales[42], de l’énergie électrique[43] et des communications électroniques[44]. Ce rappel succinct à propos de la confrontation entre les notions « latines » de service public et les formules européennes inspirées du droit anglo-saxon permet alors de bien comprendre la portée et le choix des termes utilisés pour les contrats portant dévolution d’activités de service public nature sociale. Le terme contrat a par exemple était préféré à celui de titre, alors que la transcription littérale de la formule anglo-saxonne aurait sans doute permis de mieux appréhender la logique exclusivement financière du mécanisme. Loin de s’analyser comme une simple adaptation du droit au fait, l’apparition de nouveaux modèles et les évolutions sémantiques qui les suivent traduisent ainsi des choix idéologiques. Comme l’écrivait VILLEY, le droit ne saurait être « réduit à une science de faits »[45]. Nulle solution ne peut prétendre être inspirée exclusivement par la voie de l’objectivité de l’observation factuelle. Prétendre l’inverse équivaut à « exclure toute critique de ce système conceptuel, alors que sa valeur doit être sans cesse éprouvée »[46]. C’est dans cette acception que se mesure l’effet du mythe. §2) La perte de légitimité de « l’État administratif » Le principal effet de l’adaptation du droit au fait suggérée par le développement des C.I.S. réside dans le recul de légitimité du secteur administratif. Les politiques d’externalisation des activités publiques permettent en effet d’instaurer une réflexion sur les transformations de l’action publique. En enlevant à l’administration la fourniture à l’usager des tâches qui relevaient auparavant de sa compétence, on retire également l’idée que les règles encadrant la relation gestionnaire/usagers soient différentes de celles encadrant la relation fournisseur/consommateur. HAURIOU écrivait que « Le régime administratif dans son ensemble correspond à la catégorie de fraternité. Il a été créé pour des raisons de police (c'est-à-dire d’administrations urbaine, voirie, hygiène, ordre public, etc.), mais son résultat est une assistance fraternelle »[47]. Derrière les idées de fraternité et de solidarité s’établit ainsi le correctif nécessaire de l’individualisme. Or, la perte de légitimité du service public et la recherche constante de la performance dans le cadre même des activités sociales supplantent d’une certaine façon l’idée de solidarité, donc de communauté, par celle d’individualisme. Le service n’est plus dans ce cas « le service assuré, en principe, par l’autorité ou le sujet public, mais c’est le service effectué par le "common carrier", c’est-à-dire le sujet privé à responsabilité spéciales »[48]. Dès lors, cet émiettement des fonctions traduit selon nous une double évolution, celle remplaçant l’autoritarisme administratif par la patrimonialisation individuelle des pouvoirs (A) et celle témoignant du lien ténu existant aujourd’hui entre contribuable, usager et consommateur (B). A) De l’autoritarisme administratif à la patrimonialisation individuelle des pouvoirs Le droit public, et a fortiori le droit administratif a toujours été lié à des éléments d’autoritarisme, certains auteurs affirmant même que le lien entre les deux est « génétique »[49]. La notion de service public fit ensuite quelque peu décliner cette logique, remplaçant « l’impérium » de l’État, « le droit subjectif de commandement, […], par une fonction sociale des gouvernants, ayant pour objet l’organisation et le fonctionnement des services»[50] . L’externalisation des activités publiques, et à travers elle le symbole que constitue les CIS et les partenariat public-privé, apparaitrait alors aujourd’hui comme une solution pour rendre l’État plus efficace tout en garantissant son implication dans ces secteurs stratégiques[51]. La concurrence et la compétitivité stimuleraient en effet le secteur public en lui permettant une constante et avantageuse modernisation[52]. Ainsi, si « l’âge d’or du service public avait consacré la socialisation rampante de l’économie générale du pays, la crise du service [révèlerait] la banalisation, l’effacement, l’alignement de la mission d’intérêt général sur les contraintes de la gestion privée »[53]. Le fait dicte ainsi le droit et son évolution se pare des oripeaux de l’objectivité : loin de fragiliser le secteur public, l’externalisation de ses activités le renforce car il garantit la présence de l’État dans des domaines qu’il ne pourrait pas (ou plus) assumer seul. Pourtant la combinaison des pensées du Professeur Massimo LUCIANI[54] et du doyen HAURIOU[55] nous permet de remettre en question cette affirmation. Selon nous, un tout autre constat peut être formulé par rapport à la volonté d’homogénéiser le processus au sein de l’espace européen. Loin d’apparaitre comme un facteur de renforcement de l’administration, la justification constante du recours à l’externalisation, et à travers elle son homogénéisation par voie de partenariat public-privé, constituerait plutôt une forme de retour de balancier traduisant sur long terme l’hégémonie du droit des rapports inter-privé. La perte de légitimité de l’administration procèderait alors de l’idée de « patrimonialisation» de sa fonction. HAURIOU explique l’idée de la manière suivante : « Les pouvoirs de contrainte et les réquisitions sont exercés au nom d’une communauté et les services publics sont alimentés par une caisse commune ; car le régime public, pour éviter la patrimonialisation individuelle des pouvoirs et le caractère lucratif des opérations administratives, est à base communautaire»[56] . L’idée de patrimonialisation des pouvoirs de l’administration évoque donc l’émiettement des fonctions administratives à des agents intéressés par la réalisation d’activités générant, pour eux même, des profits. C’est ainsi la logique purement synallagmatique de l’obligation qui est mise en valeur, indépendamment du caractère public ou non de l’activité[57]. En effet, le contrat suppose l’échange patrimonial. La doctrine italienne a d’ailleurs longtemps réfuté l’idée de « contrat public » notamment parce qu’elle ne concevait le contrat que sous cet angle. Lorsque l’État effectuait des opérations patrimoniales, il ne pouvait se placer que sous l’égide du droit privé[58]. Cependant, l’échange patrimonial suppose nécessairement le dessaisissement. Lorsqu’il contracte avec un tiers pour assurer une mission à sa place, l’État aliènerait ainsi une partie de ses attributions. Il ne pourrait donc s’en défaire qu’en se dépossédant d’une partie de sa souveraineté, puisque c’est cette même notion qui justifie qu’il se soit accaparé hier de façon monopolistique la tâche qu’aujourd’hui il souhaite voire externalisée. HAURIOU lie en effet la notion d’État, puis l’apparition d’un régime administratif moderne, à la conjonction de plusieurs phénomènes : l’idée d’une base communautaire (appartenance à un peuple, une nation, etc.), la soumission du pouvoir politique au droit et l’incorporation du marché économique à l’institution politique[59]. L’institution d’un marché économique est donc un élément important de l’État administratif moderne selon HAURIOU. Son incorporation traduit ainsi dans sa pensée ce que le doyen de Toulouse appelle le « communisme juridique »[60], à savoir l’existence au sein de l’État d’un gouvernement, d’une administration disposant du monopole de la contrainte et de services administratifs développés[61]. L’ensemble de ces éléments constituent alors une « enveloppe protectrice »[62], garantissant le fonctionnement d’un système d’échanges économiques indissolublement liés au régime d’État. C’est en effet par le maintien de cette communauté juridique, « réservoir commun d’aptitudes dans lequel chacun puise »[63], que les libertés individuelles indispensables au marché peuvent exister. Ce système doit cependant n’être que juridique, c’est-à-dire « reposer sur une distinction du droit et du fait ». La fonction administrative ne doit pas en effet créer de la richesse (du fait), mais garantir l’exercice de droits susceptibles de la générer. À ce titre, cette garantie se réalise notamment par l’organisation de services publics, créés pour satisfaire les intérêts de chacun, « [écarter] les obstacles de fait sans cesse renaissants [et] faciliter à tous l’exercice des aptitudes communes»[64]. Ces services publics doivent cependant demeurer à l’égale disposition de tous. Ils ne se développent que « dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer la communauté du droit »[65]. La liberté n’est donc pas la valeur de base du système. Elle est au contraire liée de façon indissociable à l’idée de communauté, au principe d’égalité. Les deux valeurs ne peuvent ainsi exister individuellement qu’en s’associant mutuellement, la liberté n’étant rien si elle n’est pas la liberté de tous, l’égalité n’ayant aucune valeur si elle ne subsiste que dans l’asservissement. La pensée du Professeur Massimo LUCIANI s’inscrit dans une logique similaire. En effet, en s’appuyant sur CICÉRON[66] et HOBBES[67], il affirme que la première « vertu nécessaire à l’État est la sécurité »[68]. Or, seul un pouvoir commun peut amener à cette sécurité et « l’union garantie par ce pouvoir s’appelle l’État ». Selon lui, le sentiment d’espoir de fonder un nouvel ordre social arrive ensuite, lorsque la sécurité est assurée[69]. Alors se développe l’État social et pointe alors l’idée d’une séparation entre l’économique et le politique puis de la subordination du second à la première. Pourtant, selon le Professeur LUCIANI le constitutionalisme s’est institué avec pour seul objectif de limiter le pouvoir politique et « le pouvoir économique est resté largement indifférent à tout cela […] Il était même consentant et en symbiose, dans la mesure où le nouvel ordre des rapports politiques ne faisait que répliquer et traduire en termes institutionnels la réalité des rapports économiques et sociaux » [70] . À travers ce développement nous mesurons à quel point cette pensée s’inscrit dans l’idée « d’incorporation du marché» à l’institution politique évoquée précédemment. Par ailleurs, le doyen HAURIOU distinguait le communisme juridique dont découle le régime d’État administratif du régime de patrimonialité qui le précédait, la société féodale du Moyen-Âge faisant figure selon lui d’exemple topique de cet état[71]. Il concluait alors son propos en se questionnant sur le phénomène de développement exponentiel des services, notamment dans des domaines industriels et commerciaux. Selon lui, l’essor de l’organisme administratif par rapport à la concurrence (la gestion directe) conduirait au collectivisme économique[72]. Les faits ont donné tort au Professeur HAURIOU car l’accroissement des missions de services a plutôt conduit à la logique inverse. En effet, le recours à l’externalisation et par voie de conséquence la densification du nombre de prestataires externes chargés d’effectuer des missions à la place de l’administration, cette dernière étant incapable d’assurer seules toutes les tâches qui lui incombent, a engendré selon nous à une forme de patrimonialisation de sa fonction. Les travaux du Professeur LUCIANI apportent alors un éclairage indispensable à cette idée. En effet, ce dernier situe à la constitution de la République de Weimar et de façon plus générale aux constitutions démocratiques d’après-guerre, le point de départ de la prise en compte du progrès social dans les textes fondamentaux. « Le pouvoir économique [… ] devient désormais objet des règles et limites du gouvernement de l’état social »[73]. Le processus de globalisation a ensuite, après la chute de l’Union soviétique, accentué le phénomène. Les lois de l’économie ont alors réclamé « une objectivité et un caractère indiscutable, ce qui les a rendues plus imperméables à la politique et aux décisions des États »[74]. Dans le cadre de la globalisation, l’auteur développe alors l’idée selon laquelle la souveraineté des États est remise en cause. Le processus et assez radical. Il est mené par une multitude d’agents, publics comme privés, identifiés dans trois grands groupes : les exécutifs des états les plus puissants économiquement (G8, Eurogroupe, etc.), les institutions technocratiques internationales (O.M.C, F.M.I, Banque centrale européenne, etc.) et les entreprises transnationales dominant les secteurs stratégiques (communication, information, transport, etc.). Cependant, il demeure difficile selon lui d’appréhender ces mécanismes enchevêtrés comme constituant une nouvelle souveraineté « dans le sens du remplacement de la conception ascendante du pouvoir et de l’idée de nation » [75]. L’auteur développe alors la notion « d’anti-souverain », c'est-à-dire « un quid qui s’oppose en tout point au souverain que nous connaissons »[76]. Il n’est pas en effet constitué d’un sujet mais d’une pluralité, fortement différenciée, « qui ne détient pas le monopole du pouvoir souverain ». Il ne souhaite donc pas exercer son pouvoir de façon absolu et discrétionnaire. Ses décisions se présentent alors comme « des déductions logiques de lois générales et objectives qui prétendent être celles de l’économie et du développement ». La légitimité dont il dispose ne peut donc être « transcendantale ». Elle est plutôt « immanente », dans la mesure où elle remplace celle fondée sur l’égalité entre les hommes que garantie la nation par celle justifiant de l’intérêt d’optimiser les rapports économiques. Ainsi, « l’anti-souverain » ne régit pas un groupe social déterminé, un peuple par exemple, mais « une pluralité indistincte », c'est-à-dire un ensemble de consommateurs individualisés dont il satisfait les besoins. Sa volonté ne peut donc émaner de l’expression d’égaux comme la nation ou ses représentants, mais est issue de structures « organisées selon un modèle timocratique » (F.M.I, banque mondiale, Commission, etc.). Il est en définitive un anti-souverain parce qu’il s’oppose conceptuellement à tous les éléments de définition de la souveraineté. D’un point de vue plus pratique, l’affirmation de son pouvoir suppose alors, selon l’auteur de cette théorie, la marginalisation, et donc à terme, « l’anéantissement »[77] des pouvoirs de l’ancien souverain. Le caractère homogène de la pensée selon laquelle les missions de services des personnes publiques doivent être externalisées participe selon nous du phénomène d’ « émergence d’un système économique global qui échappe au contrôle de tout État »[78]. Elle témoigne en effet d’une intégration juridique, politique et économique extrêmement poussée La finalité poursuivie peut être résumé de la manière suivante : « moins de structure, plus d’efficacité »[79]. Pourtant, en regardant de plus près, ils témoignent de l’atomisation, à une pluralité de sujets, des pouvoirs de l’administration dans une logique concurrentielle, justifiant ainsi de la satisfaction des intérêts individuels des citoyens exclusivement par le marché. Ils contribuent alors à une certaine forme de patrimonialisation des pouvoirs du souverain. Certaines activités ne peuvent également faire l’objet d’une délégation en vertu de leur nature, une sorte de « noyau irréductible »[80] ne pouvant être exercé que par l’administration[81]. Le Conseil Repoussant les limites de la souveraineté, l’externalisation de ces missions constituerait ainsi un recul l’État administratif par voie de patrimonialisation de ses pouvoirs. Le Conseil d’État l’affirmait d’ailleurs explicitement lorsqu’il énonçait que « L’extension du champ des opérations de partenariat public-privé est l’un des signes que la contractualisation […] tente de pénétrer les fonctions régaliennes de l’État »[82]. L’homogénéisation du recours au partenariat public-privé, même dans le domaine social avec les CIS, serait donc susceptible d’entrainer, de facto, la féodalisation des pouvoirs de l’administration au profit d’une pluralité de sujets, différenciés par rapport à la spécificité de leur mission. Leurs décisions ne s’imposeraient plus de façon transcendantales (recherche de l’égalité de jure entre les citoyens dans le cadre de la res pubblica) mais de manière immanente par la justification apparemment objective de la fourniture efficiente d’activités universelles. Nous retrouvons ainsi, nombres des caractéristiques de « l’anti-souverain » de la théorie du Professeur Massimo LUCIANI. Les titres à impact sociaux et les transformations de l’exercice des activités publiques qu’ils engendrent constituent un terrain privilégié où s’affrontent les approches collectives privilégiant le devoir de solidarité et les approches individualistes basées sur la satisfaction des besoins par le marché[83]. Lorsque la prestation est externalisée, c’est-à-dire sortant du rapport strict entre Administration et citoyen, elle perd d’une certaine manière le caractère d’obligation (doverosità)[84] caractérisant la notion de service public[85]. Dans ce cas, le service peut être acheté comme n’importe quel produit de consommation, il n’est destiné qu’à la satisfaction des demandes individuelles. Une nouvelle relation s’instaure alors entre l’administration et le citoyen. Du contribuable finançant sa sécurité par l’impôt, à l’usager sur lequel peut être prélevé une part des coûts nécessaires à l’utilisation de services, est ensuite apparu le consommateur dont les exigences doivent être satisfaites de façon optimale et à moindre coût. L’intégration de la performance et de la logique concurrentielle a modifié le rapport entre le citoyen et l’organisation qui fournit la prestation de service. C’est dans cette hypothèse que les services délivrés dans le cadre de partenariats public-privé se doivent de reconnaitre certains droits, que l’on pourrait assimiler à des droits de consommation. Le client remplace en effet l’usager et de cette situation dérive l’idée du marché remplaçant l’État en tant que « serviteur du citoyen universel »[86], faisant peser sur le secteur public des contraintes de plus en plus grandes. Au premier rang de ces nouvelles contraintes on trouve le principe de transparence[87]. Il suppose que les usagers puissent s’assurer du fonctionnement correct, c'est-à-dire selon leurs désirs propres, du service public. En effet, le terme dérive du latin « transparens », de « trans » (au travers) et « parere » (paraître)[88] et présume donc la volonté de voir à travers quelque chose se révélant comme opaque. Participe également de cette idée l’exigence de qualité et de confiance dans le service[89]. L’usager aurait dans cette perspective le droit à la fiabilité dans ses relations avec l’administration. Cela implique la stabilité, le respect du principe de sécurité juridique[90], ou plutôt son versant subjectif, la confiance légitime[91]. La charte des services publics locaux mentionne ainsi que ses signataires assure « la qualité du service et assure un suivi des éventuelles réclamations des usagers et des suites qui y sont données »[92] . Elle contribue donc à sa « performance »[93] et assure « que les entreprises qui voudront s’implanter et donc créer des emplois se tourneront plus facilement vers les pays qui présenteront l’environnement administratif le plus sûr juridiquement et le plus performant »[94]. Pourtant la protection des situations individuelles légitimement acquises, donc le respect du principe de confiance légitime dans le service, peut limiter le pouvoir d’agir dans l’intérêt général de l’administration et amener à l’annulation d’actes légaux, portant ainsi paradoxalement atteinte à la fois à la sécurité juridique mais aussi à la continuité et à l’adaptabilité du service. Le but est donc de maintenir un niveau idéal de qualité et de sécurité du service. Elle est utile à la compréhension de la façon dont est perçue la mission de service public. C’est en effet en permettant aux opérateurs d’avoir les incitations adéquates pour maintenir leur investissement (offre) et aux consommateurs-usagers de sentir suffisamment de sécurité dans la qualité de la prestation qu’ils espèrent obtenir (demande), que le marché devient optimal[95]. Cette démarche justifie à la fois la présence de régulateurs indépendants s’assurant de l’effectivité de ces règles, ainsi que le processus d’évaluation préalable des services et des modes de gestion vers lequel semble converger les droits internes et le droit de l’Union[96]. Dans le cadre des CIS, le Haut Conseil à la Vie Associative avait attiré l’attention sur les modalités d'évaluation proprement dites de l'impact social. Il préconisait que celles-ci ne soient pas laissées entre les seules mains d'experts extérieurs, dits indépendants, dont le coût s'ajouterait au prix global, mais qu'elles puissent également associer des représentants des corps d'inspection des ministères concernés par l'opération entreprise[97]. L’avenir des CIS reste balbutiant en France et le retour d’expérience ne permet pas encore une analyse précise des mécanisme mis en œuvre. « L’État a déjà fait le choix d’intervenir, en faveur de la création d’un marché du social. Verra-t-on bientôt les ministères se contenter de jouer les entremetteurs et organiser, comme cela existe déjà à Londres, des rencontres express entre associations caritatives et financeurs ? »[98] [1] ATIAS (C.) LINOTTE (D.), « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », S., 35ème cahier, Chron. XXXIV, 1977, p. 251. [2] V. Le Grand Robert, entrée « Mythe », n°5. [3] ATIAS (C.) LINOTTE (D.), ibid. [4] Concl. GAZIER (F.) sur CE 07/07/1950, Dehaene, RDP, 1950, p.691. [5] Dresser une liste exhaustive des articles définissant les P.P.P. comme les instruments permettant de construire les infrastructures dont les personnes publiques ont besoin est impossible, tant foisonnent dans la littérature juridique et médiatique les références à ce type d’argument. A titre d’exemple, « Au sein de l’économie sociale et solidaire, un petit monde a adopté les codes du marché néolibéral et s’est fait sa place », explique le chercheur Michel Chauvière. On retrouve notamment ces convertis au sein du Comité national consultatif sur l’investissement à impact social (CNCIIS) créé en 2013 et alors dirigé par M. Hugues Sibille, qui était aussi vice-président du Crédit coopératif et fondateur du Collectif pour le développement de l’entrepreneuriat socialV. BENSAÏD (J.) et LEVITA (V.), « Financer les infrastructures pour répondre aux besoins des économies modernes », Variances, mai 2013, n°47, p. 31. [6] Article 33 de la loi n°2208-735 du 28/07/2008 relative aux contrats de partenariat, J.O.R.F n°0175 du 29/07/2008, p. 12144 ; Article L1414-16 du C.G.C.T. [7] BETEILLE (L.), Rapport n°239 fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi n°211 relatif aux contrats de partenariat, 26/03/2008, p.68. [8] Aujourd’hui stade Pierre MAUROY. [9] GOASGUEN (C.), Rapport n°967 fait au nom de la commission des lois de l’assemblée nationale relatif aux contrats de partenariat, 18/06/2008, p.69. [10] SOREL (G.), Réflexions sur la violence, éd. Labor (réimp.), 2006, pp.46-50. [11] MOREAU (J.), DUPUIS (G.) et GOERGEL (J.), Eléments de sociologie politique, Cujas, 1966, p.16, cité in, ATIAS (C.) LINOTTE (D.), op. cit., p.252. [12] Ibid. [13] FE-LEED, « Understanding Social Impact Bonds », 2015/10/REV1, 9-10 nov. 2015. [14] Margot Hemmerich & Clémentine Méténier, Solidarité à but hautement lucratif, le monde diplomatique, Octobre 2019. [15] Ibid. [16] JÈZE (G.), Les principes généraux du droit administratif, T. 2, 1930, Paris, Dalloz, 2005, p. 15. [17] KOVAR (R.), « Droit communautaire et service public : esprit d’orthodoxie ou pensée laïcisée », RTDE, 1996, p. 217. [18] CJCE, Aff. C-41/90, 23/04/1991, Höfner,, Rec., p. I-1979. [19] CJCE, Aff. C-180/98, 12/09/2000, Pavel Pavlov, Rec., p. I-6451. [20] Article 14 du T.F.U.E. [21] Commission des communautés européennes, Livre vert sur les services d’intérêt général, COM(2003) 270 final, Bruxelles, 21/05/2003, p.8. [22] Article 14 du T.F.U.E [23] CJCE, 19/05/1993, Paul Corbeau, Aff. C-320/91, Rec. I, p. 2533. [24] CJCE, Aff. C-393/92, 27/04/ 1994, Commune d’Almelo, Rec., p. I-3449. [25] BLUM (L.), La curée, Le populaire, 12/07/1921, p.1. [26] « Aujourd’hui moins que jamais, nous ne pouvons admettre cette politique de dépècement, de lotissement, de remise, à des groupements de capitaux privés, de l’ensemble de nos richesses nationales… » BLUM (L.), Discours à la chambre des députés, séance du 24/06/1921, Débat Parlementaire, p.2893. [27] Concl. BLUM (L.), Ministre des travaux publics cintre Compagnie générale française des tramways, Rec. p. 216. [28] V. Infra, p. 392. [29] Article 93 du T.F.U.E [30] Protocole n°29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, J.O.U.E C 326/312. [31] Commission européenne, Livre blanc sur les services d’intérêt général, COM (2004) 374 final. [32] CJCE, Aff. C-364/92, 19/01/1994, SAT Fluggeselschaft GmbH c/ Eurocontrol,, Rec., p. I-43. [33] CJCE Aff. C-159 et C-160/91, 17/02/1993, Poucet et Pistre, Rec., p. I-664. [34] V. CE, 16/11/1956, Union syndicale des industries aéronautiques, Rec., p. 434, D. 1956, p. 759, Concl. LAURENT. [35] Article 14, précité. [36] Article 106 § 2 du TFUE (Ancien article 73 TCE) [37] Sur cette notion V. CARTEI (G.), Il servizio universale, Milano, Giuffré, 2002 ; ESPUGLAS (P.), « Le service universel », DA, n° 12, 2002, p.6. [38] Commission européenne, Livre vert sur les services d’intérêt général, 21/05/2003 COM(2003) 270 final, p.16. [39] CJCE, Aff. 41/83, 20/03/1985, British Telecom, Rec. I-3, p.873. [40] Les États français et italiens vont d’ailleurs garder des participations majoritaires ou la minorité de blocage dans les entreprises concernées. À titre d’exemples, l’État français conserve encore 84, 8 % du capital d’E.D.F, 80 % du capital de G.D.F, l’État italien 30 % du capital d’E.N.E.L et d’E.N.I. [41] Sur cette notion V. HAHNE (R.), Accouting for Public Utilities, LexisNexis, 2014. [42] Directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15/12/1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, JOCE L 15, du 21 janvier 1998, p. 14 [43] Directive 2009/72/CE du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE du 14/08/2009, J.O.U.E n° L 211, p. 55 [44] Directive « service universel » 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002, JOCE L 108 du 24 avril 2002, p. 51 [45] VILLEY (M.), « Philosophie du droit, définitions et fins du droit », Dalloz, n°112, 1975, p. 196. [46] ATIAS (C.) LINOTTE (D.), op. cit., p. 255. [47] HAURIOU (M.), Précis de droit constitutionnel, Sirey, 2ème éd., 1929, p. 643. [48] AMATO (G.), « Autorità semi-indipendenti ed autorità di garanzia », RTDP, 1997, p. 645. [49] AMATO (G.), Ibid, p. 651. [50] DUGUIT (L.), Les transformations du droit public, Paris, èd. La mémoire du droit, 1999, p. 52. [51] V. JOXE (P.), « L’efficacité de l’État », in De MONTBRIAL (T.) (dir.), La France du nouveau siècle, P.U.F, 2002, p. 217. [52] RAMONET (I.), « La pensée unique », Le monde diplomatique, 01/1995, p.1. [53] GUENAIRE (M.), « Le service public au cœur du modèle de développement français », JCP A, 2005, p. 1209. [54] LUCIANI (M.), « L’antisovrano e la crisi delle costituzioni», Rivista di diritto Costituzionale, 1996, n°1, p.125. [55] HAURIOU (M.), « Précis de droit administratif et de droit public », Paris, Dalloz, 12ème éd., 2002, p. 268 et ss. [56] Ibid, p. 268. [57] Nous nous souvenons des premières lignes du premier chapitre de cette thèse dans lequel nous citions la définition de DE LAUBADÈRE mettant en avant la spécificité des droits et obligations dans le cadre des contrats de l’administration, induite notamment par le biais de la notion de service public. V. Supra, p. 40. [58] Idem, V. la justification d’ORLANDO sur son refus de traiter des contrats de l’administration, matière relevant par essence du droit commun. [59] HAURIOU (M.), op. cit., p. 269. [60] Le terme ne doit cependant pas être confondu avec son pendant économique que l’auteur dénomme d’ailleurs le collectivisme. (V. HAURIOU, op. cit., p. 283.) [61] HAURIOU, op. cit., p.279 et 280. [62] Idem. [63] Idem. [64] Ibid. p.281. [65] Idem. [66]« si aequa non est, ne libertas quidem est » cité in, LUCIANI (M.), op. cit., p. 114. [67] « Le respect des lois naturelles est nécessaire pour maintenir la paix, et la sécurité est nécessaire au respect des lois naturelles » De cive, V §3, cité in, LUCIANI (M.), op. cit, p.131. [68] Idem. [69] Ibid, p. 135. [70] Ibid, p.160. [71] « La propriété y était individuelle, mais le titre n’était pas garanti par une communauté politique, il était constitué par un individu au profit d’un autre. La baronnie féodale ne comporte ni communauté ni incorporation d’un marché. [Elle] est l’objet d’une quantité de tenures superposées, à fief ou à cens. L’enchevêtrement des tenures ne crée aucune communauté entre les tenanciers, chacun possède ou tient son démembrement à titre individuel avec des charges strictement déterminées envers un homme et avec la garantie individuelle de cet homme. Il est également tenu, des foires ou des marchés, mais chaque marché ou chaque foire à son concessionnaire qui l’exploite à son profit, de sorte que le marché devient une entreprise privée », in, Hauriou, op. cit, p.283. [72] Ibid., p. 285. [73] LUCIANI (M.), op. cit., p. 160. [74] Ibid. p.162. [75] Ibid. p.164 et 165.. [76] Idem. [77] Ibid., p. 166. [78] HELD (D.), « democrazia: dalle città-stato a un ordine cosmopolite? », AA. VV., Roma, 1993, p.39, cite in, LUCIANI (M.), op. cit., p.166. [79] DREYFUS (J.D), « Externalisation et liberté d’organisation du service », AJDA, 2009, p.1529. [80] BLUMANN (C.), La renonciation en droit administratif français, Paris, L.G.D.J, 1974, p. 242. [81] COSSALTER (P.), « Le doit de l’externalisation des activités publiques dans les principaux systèmes européens », Presse de Science Po, 2007, disponible sur www.sciencespo.fr [82] Avis sur le projet de loi relative au service public pénitentiaire (loi n° 87-432 du 22/06/1987), in E.D.C.E 1987, p. 138. [83] CARRINO (A.), « Concluzioni », in, CHIEFFI L (dir.), Evoluzione dello stato delle autonomie e tutela dei diritti sociali, Giappichelli, Torino, 2003, XXX. [84] IANNELLO (C.), « Dallo Stato erogatore all’impresa privata, ossia dai diritti di cittadinanza ai diritti individuali del cliente », RDPI, 11/2012, disponible sur www.federalismi.it [85] ROMANO (A.), « Profili della concessione di pubblici servizi », Dir. Amm., 1994, p.491. [86] CROUCH (C.), «Postdemocrazia», laterza, Roma-Bari, 2003, p.109. [87] Voir notamment pour les deux pays composant notre étude : [88] V. Le Grand Robert, précité, « Transparent ». [89] V. CLUZEL (L.), Le service public et l’exigence de qualité, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque des thèses, Vol. 52, 2006. [90] LEGAL (H.) et PUISSOCHET (J-P), Le principe de sécurité juridique, cahier du Conseil Constitutionnel n°11, décembre 2001. [91] SIMON (D.), « La confiance légitime en droit communautaire : vers un principe général de la limitation de la volonté de l’auteur de l’acte ? », in, Études à la mémoire du Professeur Alfred RIEG, Bruxelles Bruylant, 2000. [92] I.G.D, Charte des services publics locaux, 16/01/2002, www.fondation-igd.org [93] Idem. [94] Charte des services publics, 1992, www.ladocumentationfrancaise.fr [95] Commission européenne, Livre blanc sur les services d’intérêt général, COM (2004) 374 final, 12/05/2004, p.9. [96] GROSHENS (J.C) et KANUB (G.), A propos de la rénovation de l’évaluation, in, Études en l’honneur de Gérard TIMSIT, Bruxelles, Bruylant, 2004. [97] Avis du HCVA relatif à l’appel à projets de « social impact bonds », 2 mai 2016, https://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/Avis_du_HCVA_relatif_a_l_appel_a_projets_SIB_02-03-2016.pdf [98] Margot Hemmerich & Clémentine Méténier, Solidarité à but hautement lucratif, le monde diplomatique, Octobre 2019. Une vieille histoire prête toujours bien à exprimer ce qui est le plus frappant dans une théorie. L’allégorie du douzième chameau nous permet de mettre en avant l’hypothèse que nous souhaitons démontrer dans ce chapitre[1], en voici le récit :
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François WilinskiAvocat Archives
Décembre 2020
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