La loi ASAP, à ne pas confondre avec la locution anglo-saxonne « As soon as possible » a pour but affiché d’accélérer et de simplifier l’action publique, dès que possible… 😉
Au cours de la discussion parlementaire, des amendements modifiant le code de la commande publique ont été introduits. Les règles ont été par exemple assouplies en cas de circonstances exceptionnelles, comme ce fut le cas durant la période du 1er confinement, ainsi que pour les PME. La passation dérogatoire de certains marchés a également été simplifiée, avec la justification par "l'’intérêt général" de la conclusion de marché de gré à gré, c’est-à-dire sans procédure de passation… Au surplus, le dispositif en faveur des PME (initialement prévu pour les marchés de partenariat) est étendu à l’ensemble des marchés globaux. Jusqu'à la fin de l’année 2022, le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion des marchés de travaux est relevé à 100 000 euros. Par ailleurs, le recours aux marchés de conception-construction, qui permet au maître d’ouvrage, en dérogeant à la loi MOP, de confier simultanément la conception (études) et la réalisation (exécution des travaux) d’un ouvrage à un seul prestataire pour les ouvrages d’une technicité particulière, est étendu aux marchés pour les infrastructures de transport de l’État. Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020(1), le Conseil constitutionnel devait notamment se pencher sur à la conformité à la constitution de certaines de ces mesures… S’agissant des marchés sans publicité ni mise en concurrence pour motif d’intérêt général, et après avoir rappelé qu’il appartenait au législateur de définir les procédures de passations des acheteurs publics ainsi que les règles et modalités encadrant ces procédures (Les députés requérants faisaient valoir que, faute de déterminer les motifs d'intérêt général permettant une telle dérogation cette mesure était entachée d'incompétence négative), le Conseil constitutionnel a jugé que, dès lors que la loi précise les conditions dans lesquelles les dérogations aux règles de la commande publique ne doivent qu’exclusivement être appliquées (ex : existence d'une première procédure infructueuse, urgence particulière, objet ou valeur estimée du marché) le grief tiré de la méconnaissance, par le législateur, de l'étendue de sa compétence doit être écarté. Au surplus le Conseil rappelle que le mécanisme n'exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du code de la commande publique. S’agissant des marchés pouvant être conclus sans publicité ni mise en concurrence jusqu’à 100 000 euros, le Conseil constitutionnel constate qu’en facilitant la passation des seuls marchés de travaux par un allègement temporaire du formalisme des procédures, le législateur entendait contribuer à la reprise de l’activité dans un secteur particulièrement affecté par la crise économique consécutive à l’épidémie de Covid-19 et que la mesure est proportionnée à cet objectif d’intérêt général. L’accès des entreprises en difficulté aux contrats de la commande publique est donc facilité, et cette forme d’aide au secteur économique local après la crise sanitaire, qui pourrait être perçu comme une mesure discriminatoire en faveur des entreprises française, posera nécessairement question au regard de la jurisprudence de la Cour européenne de Justice portant sur les aides d’Etat… En effet, si l’’article 132 insère au sein du code de la commande publique deux nouveaux livres consacrés aux "circonstances exceptionnelles" permettant au pouvoir réglementaire d’adopter des mesures dérogatoires ; le Conseil constitutionnel indique que le législateur a strictement encadré la mise en œuvre de telles mesures en imposant que soit reconnue, au préalable, l’existence de telles circonstances par voie législative, écartant ainsi les risques d’utilisation arbitraire par les acheteurs publics. Par ailleurs, la décision souligne que les dispositions dérogatoires ne peuvent être mises en œuvre que si ces circonstances exceptionnelles affectent directement les modalités de passation ou les conditions d’exécution des contrats. Par voie de conséquence, le Conseil estime que les dispositions de la LOI ASAP modifiant le code de la commande publique sont conformes à la Constitution.
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François WilinskiAvocat Archives
Décembre 2020
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